Pour cette fin d’année 2023, l’Alliance Française de Djerba accueille l’artiste Adnan Ben Azzoussine et ses œuvres mystérieuses qui nous plongent dans un univers antique et, tout en contraste, poétique. Les jeux de textures et de matériaux dans la recherche de symboles et de mise en abîme introspective soulignent le fil rouge de toute sa quête artistique.

Billet critique, de Yassine Selmi

Installé à Djerba, dans le sud tunisien, Adnan Ben Azzoussine est un artiste autodidacte originaire de Tunis. D’une famille d’artisans reconnus, son père étant l’un des fondateurs de l’Office National de l’Artisanat, il est depuis son enfance, baigné dans cet environnement manuel que l’on peut ressentir dans ses œuvres. Il peint, façonne et sculpte sur des supports divers : toile, bois, papier mâché et matériaux de récupération. Plasticien dans l'âme, il aime à varier ce que font ses mains et porte une attention particulière à ne jamais faire deux fois la même chose. Et l’on sait que l’ennui amène le désir; ce dernier le guide pour la prochaine aventure et guide son chemin dans l’élan créatif. C’est un illuminé dans un cœur inondé.
Dans son travail créatif, il n’y a pas de volonté de représenter telle ou telle chose mais bien plutôt d’exprimer lors de la création. Il parle même “d’instinct” dans sa recherche artistique. Sans plan ni prévoyance, face à la toile blanche, il vague et divague par une emprise des sens et se fait réceptacle de son monde alentour. Cela s’exprime. «Ça se fait», et s’impose à lui.
Dans cet «état d’éveil paradoxal», il commence d’un premier jet et les couleurs, d’une manière aléatoire, dans ce fond indifférencié, commencent à créer des formes, puis se structurent peu à peu, se construisent, et un chemin commence à se dessiner. Ce processus peut durer un certain temps, là n’est pas le problème. Il ne travaille pas sous contrainte, il crée pour le désir.
L’intelligence «raisonnante» revête une place mineure pour laisser place au rêve et à la contemplation… images au-delà du conscient, vastes zones, sombres ou poudrées d’or, cadres inquiétants où l’on croise des visages murmurants, bustes qui s’effeuillent lentement dans l’apesanteur d’un au-delà passé… Les images apparaissent au fil de ses mains, et permettent à son monde intérieur de s’exprimer.
Aussi, les contrastes forts, signe de mort et de renaissance, habitent profondément son art. Aimant également jouer sur la temporalité, il s’amuse à laisser des “ ébauches finies”, comme pour souligner que rien n’est vraiment jamais terminé, que tout est un chemin continu. Et le fait qu’il crée des textures et des sculptures à partir de matériaux recyclés souligne encore plus ce jeu du passé dans le présent et du passé dans l’avenir. C’est là une idée de croissance dans la finitude des choses, un cercle infini, comme la vie, un éternel mouvement…